La réserve utile
A. Concept de réserve utile (RU)
B. Paramètres qui influencent la réserve utile
C. Mesurer la réserve utile
D. Comment améliorer la réserve utile du sol ?
E. Bibliographie
Connaitre la réserve utile de ses sols est indispensable pour pouvoir estimer d’éventuels apports en eau sur ses cultures.
Sa connaissance permet à l’agriculteur de réagir en situation de pluies déficitaires occasionnant des sécheresses printanière et estivale.
A. Concept de réserve utile (RU)
- Réserve utile (RU): est la quantité maximale d’eau que le sol peut absorber et restituer à la plante. Autrement dit, c’est la quantité d’eau du sol utilisable par une culture (figure 1).
La réserve utile pour les plantes est généralement exprimée en millimètres (épaisseur de lame d’eau pour être facilement comparé aux pluies et à l’évapotranspiration) au travers des formules suivantes :
RU= (RFU + RDU) * profondeur racinaire
RU = (capacité au champs – point de flétrissement) * profondeur racinaire
Où :
- Réserve facilement utilisable (RFU) : elle est déterminée comme la quantité d’eau du sol facilement utilisable par la plante. Cette estimation tient compte des besoins en eau de la culture et des apports naturels par les pluies ou par l’irrigation.
- Réserve difficilement utilisable(RDU) ou réserve de survie : l’eau restante est considérée comme trop difficilement utilisable par les racines, car trop liée aux éléments du sol.
- Capacité aux champs (CC) : lorsque la force de rétention exercée par les particules de sol égale la force de gravité, l’eau descendante s’arrête, le sol se trouve au point de ressuyage et la quantité d’eau présente s’appelle la capacité au champ ; c’est le maximum d’eau qu’il peut retenir.
- Point de flétrissement (pF) : sans apport nouveau, l’eau du sol est extraite par évaporation ou par absorption par les racines de la végétation, jusqu’à atteindre le point de flétrissement, où l’eau restante est liée aux particules de sol avec une force supérieure à la force d’attraction des racines ; c’est l’eau inutilisable par les plantes.
Le point de flétrissement permanent précise la teneur en eau du sol pour laquelle les feuilles des plantes qui poussent sur ce sol commencent à se flétrir d'une façon permanente. Si un sol s'assèche jusqu'au point de flétrissement permanent, l'eau est si fortement liée dans l'horizon bien enraciné du sol que les plantes se fanent irréversiblement.
B. Paramètres qui influencent la réserve utile
1.1. Le sol
1.1.1. La structure de sol
La structure de sol influence la circulation de l’eau, son infiltration, la remontée capillaire, ainsi que la qualité d’enracinement de la culture.
La RFU varie selon le type de sol. Plus la porosité du sol est grossière (sable) et plus la quantité d’eau dans le sol peut y être importante. Cependant la quantité facilement à disposition des plantes (la RFU) y est plus faible. Elle représente 1/3 de la RU pour un sol sableux et 2/3 de la RU en sol argileux (figure 2). Plus la texture du sol est fine (argile< limon < sable) plus le point de flétrissement est élevé (figure 3).
Figure 2 : comparaison de la RFU dans la RU selon le type de sol, réalisation par Desmet Florence SPW ARNE Direction R&D, 2023 Figure 3 : A- Courbes de rétention en eau de trois sols de textures différentes. B- réserve utile en fonction de la texture (d’après Duchaufour) (pF : force de succion du sol ; Hfp : humidité au point de flétrissement ; Hcc : humidité à la capacité au champ)La réserve en eau moyenne pour les différents principaux types de sols sans distinction des phases de profondeur en Wallonie est illustrée à la figure 4. Les sols limoneux se démarquent par une réserve en eau élevée par rapport aux sols limono-caillouteux à charge schisteuse, psammitique ou schisto-psammitique et calcaire qui renferment une réserve en eau près de deux fois plus faible.
Figure 4 : Capacité de rétention moyenne en eau des principaux types de sols en WallonieCes résultats ont été reportés sur la carte de Wallonie d’après les principaux types de sols avec de grandes tendances régionales (figure 5).
Figure 5 : Distribution spatiale de la capacité de rétention en eau des principaux types de sols en WallonieA titre indicatif, elle est de :
- 9 à 1.2 mm/cm de sol pour un sable
- 3 à 1.6 mm/cm de sol pour un limon argileux
- 8 à 2 mm/cm de sol pour un sol argileux, argilo-limoneux, argilo-sableux.
La réserve utile dépend également de la quantité et de la nature d’éléments grossiers, graviers et cailloux.
1.1.2. La profondeur du sol
La RU est l’addition des RU partielles sur les différents horizons de sol allant au maximal de l’épaisseur de sol accessible aux racines en considérant que les racines sont présentes et actives dans l’horizon.
La compaction du sol sur les horizons de 0 à 40 cm influence négativement la RU. Elle peut diminuer de 20%-30% pour une même granulométrie. De plus, la compaction limite la croissance racinaire et renforce ainsi la baisse de la RU.
1.1.3. Le taux de matière organique
L’humus possède un pouvoir de rétention de l’eau important et peut retenir jusqu’à 5 à 6 fois son poids en eau. La matière organique contribue ainsi à améliorer la réserve utile.
1.2. L’enracinement des plantes
1.2.1. La capacité d’enracinement
La réserve utile dépend de la profondeur racinaire, ainsi que de sa densité. Plus la densité sera importante et plus l’extraction de l’eau sera grande. De manière général, la densité racinaire décroit en profondeur ce qui conduit à un déphasage et à un déplacement des horizons exploités au cours du temps : les racines se développent principalement et prioritairement dans les couches supérieures de sol avant d’aller en profondeur (figure 6).
Figure 6 : Distribution des racines dans le sol selon la profondeur et la densité (Arvalis)
La RFU est une fraction de la RU qui dépend du développement racinaire de la culture (figure 7) :
- 2/3 de la RU pour un sol où il y a un très bon enracinement,
- 1/2 de la RU pour un sol où il y a un enracinement moyen,
- 1/3 de la RU pour un sol où l’enracinement est moins bon.
1.2.2. L’espèce
La profondeur d’enracinement et la densité racinaire est un caractère génétique inter- et intra- spécifique.
La figure 8 montre que le blé, dont les racines peuvent descendre à plus de 1,50 m de profondeur en l’absence d’obstacle, est capable d’extraire du sol deux fois plus d’eau que le pois protéagineux et la féverole de printemps, dont les racines dépassent rarement 80 cm de profondeur. L’orge de printemps et le maïs grain se situent à un niveau intermédiaire (d’après Arvalis).
Figure 8 : Profils de teneurs en eau volumique du sol mesurés à la sonde à neutrons, en sortie d’hiver sur un sol à la capacité au champs (HCC) et à la récolte de différentes espèces (source : Arvalis)La réserve utile dépendra donc des espèces implantées (tableau 1) :
Tableau 1 : estimation de réserve utile pour différentes espèces végétales (source Arvalis)1.2.3. Le stade de développement
L’exploration racinaire évolue en fonction du stade de développement de la culture. La réserve utile varie dans le temps (figure 9). Plus le système racinaire sera développé et plus la plante pourra utiliser l’eau du sol en profondeur. Par exemple pour un sol limon sablo argileux, une croissance racinaire de 30 cm permettrait de gagner 45 mm de RU.
Figure 9 : Evolution de la profondeur d’enracinement au cours du temps pour les espèces de : a) légumineuses et b) non-légumineuses (INRA)1.3. Le climat
Les conditions météorologiques influencent la réserve facilement utilisable : elle diminue avec des températures élevées quand l’évapotranspiration et les besoins en eau des racines croissent.
C. Mesurer la réserve utile
Deux types de sondes permettent de mener des opérations de pilotage de l’irrigation (figure 10) : les sondes capacitives et les sondes tensiométriques. Pour que l’irrigation soit optimale (en d’autres mots, pour éviter le stress hydrique, l’état de sécheresse ou un taux d’humidité trop élevé), la quantité d’eau doit être située entre la capacité au champ et le niveau bas de RFU. Les seuils de capacité au champ et de la RFU sont définis selon les propriétés du sol de la parcelle et peuvent être estimés localement grâce aux sondes.
Figure 10 : Schéma notions de base + sondes
D’après Agralis :
· La sonde capacitive
La sonde capacitive mesure l’humidité, la température et en option la salinité du sol, tous les 10 cm de profondeur. Elle existe en plusieurs longueurs pour s’adapter à toutes les cultures : 10, 30, 60, 90 et 120cm.
La sonde capacitive mesure l’humidité du sol grâce à une onde électromagnétique envoyée dans le sol et propagée l’eau du sol. Ainsi, plus il y a d’eau dans le sol, plus cette onde se propagera rapidement. C’est selon ce principe que ces sondes mesurent la quantité d’eau présente dans le sol.
Certaines sondes mesurent l’humidité du sol directement en millimètre d’eau afin d’avoir une donnée facilement interprétable par tous. Vous pourrez ainsi observer jour après jour combien de millimètres d’eau consomment vos plantes et donc combien de millimètres d’eau vous allez devoir éventuellement apporter pour compenser les besoins, pour ainsi éviter de descendre sous la RFU.
Grâce aux capteurs présents tous les 10 cm, vous pourrez observer le développement des racines en profondeur et ainsi vérifier le statut hydrique de votre sol et le bon développement de votre culture.
Avantages et les inconvénients de cette sonde :
Avantages (+) |
Inconvénients (-) |
|
|
· La sonde tensiométrique
La sonde tensiométrique ne mesure pas immédiatement la quantité d’eau présente dans le sol, mais sa disponibilité pour la plante. Elle va ainsi mesurer la force que la racine doit exercer pour extraire l’eau du sol et nourrir la plante. Cette mesure est exprimée en centibars.
Elle offre une mesure rapide de la disponibilité de l’eau, mais présente des résultats limités en profondeur. Une seule mesure par tensiomètre est possible. Face à cette limite, plusieurs sondes tensiométriques doivent être installées à des profondeurs différentes ce qui peut perturber la représentativité du lieu de mesure. Les valeurs de sortie de ce capteur varient en fonction du dessèchement et du remplissage et lorsque le sol est sec, la bougie de gypse peut mettre quelque temps à se rééquilibrer avec le sol environnant ; on parle parfois de décrochage lorsque la réserve descend en dessous du bas de la réserve facilement utilisable. Lorsque le sol est à la capacité au champ, le tensiomètre est à zéro et il ne donne pas d’information entre cette valeur de capacité au champ et le niveau de saturation au fur et à mesure que les macro-porosités du sol se vident ou se remplissent d’eau.
Si les tensions transmises aux sondes sont élevées, cela signifie que l’eau est difficilement mobilisable pour les racines. Si les tensions transmises sont faibles, cela signifie que l’eau est facilement mobilisable pour les racines.
Figure 5 : Sonde tensiométrique (source : Une Sonde Tensiométrique pour Piloter l'Irrigation avec Précision | Weenat )
Voici les avantages et les inconvénients de cette sonde :
Avantages (+) |
Inconvénients (-) |
· Le pilotage permet de répondre précisément aux besoins de la plante · Le fonctionnement est simple · La télétransmission est possible |
· La mise en place est assez fastidieuse · La prise en main et l’interprétation nécessitent une formation |
D. Comment améliorer la réserve utile du sol ?
· La couverture du sol
La couverture par un mulch végétal ou la présence d’une zone sèche sur les 1ers cm de sol contribuent à limiter l’évapotranspiration et réduire la perte de la RU.
· La matière organique
L’augmentation du taux de matière organique dans les sols a un effet positif sur la rétention en eau. En contribuant à l’augmentation de ce taux, les apports de fertilisants organiques améliorent la capacité de rétention en eau des sols.
Des études montrent qu’un apport de matière organique contribue à augmenter la teneur en eau dans les sols. D’un point de vue agronomique, l’effet bénéfique se mesure par une augmentation de la réserve utile (figure 11).
Figure 11 : Evolution de la teneur en eau du sol (d’après Foley et cooperband 2002)Les pratiques culturales
Certaines pratiques culturales comme le non-labour, les TCS, … favorisent la structure du sol et donc l’enracinement profond et dense.
E. Bibliographie
- François Ridremont, Philippe Lejeune & Hugues Claessens, « Méthode pragmatique d'évaluation de la réserve en eau des stations forestières et cartographie à l'échelle régionale (Wallonie, Belgique)», BASE [En ligne], numéro spécial 2, Volume 15 (2011), 727-741 URL : https://popups.uliege.be/1780-4507/index.php?id=8213.
- Claude DOUSSAN « La réserve Utile : concepts, controverse, outils » par (INRA-UMR EMMAH) et le collectif RUEdesSOLS (ANR, I. Cousin)
- « Réserve utile du sol » par triple performance, https://wiki.tripleperformance.fr/wiki/R%C3%A9serve_utile_du_sol, consulté le 02/6/23
- Alain Perrier et Charles Riou, Les besoins en eau des cultures, Institut National de la Recherche Agronomique, 1985, p. 704.
- « La réserve utile des sols », Bulletin Sol et Agronomie des Chambres d’agriculture des Pays de la Loire, no 4, 2 mai 2018, p. 15.
- « Accès à l’eau par les plantes : rechercher les conditions optimales » ; https://www.perspectives-agricoles.com/acces-a-l-eau-par-les-plantes-rechercher-les-conditions-optimales-@/view-3126-arvarticlepa.html
- Tribouillois H. Bedoussac L., Couëdel A., Justes E. « Acquisition des ressources et production de services écosystémiques par les mélanges bi-spécifiques de cultures intermédiaires » Innovations Agronomiques 62 (2017), 17-32
- Tessier D, Daudet F-A, Cruiziat P « Les relations potentiel hydrique - humidité dans un sol » ; https://www.plantes-et-eau.fr/documentation/outils-et-concepts-de-base/17-le-sol-reservoir-d-eau-pour-les-plantes/119-les-relations-potentiel-hydrique-humidite-dans-un-sol
- Ridremont F, Philippe Lejeune P & Hugues Claessens H ; « Méthode pragmatique d'évaluation de la réserve en eau des stations forestières et cartographie à l'échelle régionale (Wallonie, Belgique) », (Volume 15 (2011) — numéro spécial 2)
Article rédigé par Desmet Florence, SPW ARNE Direction R&D